Terre de verbe

On n’a pas toujours le temps de réfléchir et parfois il est bon de tout arrêter pour le faire, c’est assez contradictoire avec le lâcher de prise qui demande lui, de ne plus penser ! Là il est bon de bien penser et à tout. Les départs, les grands départs sont d’importance. Je dis grand car nous partons si souvent de quelque part pour aller jouer autre part… Mais rentrer au pays après six semaines de tour, là c’est pas la même… Rien oublier, et à chaque valise compter son poids d’histoires pour ne pas être embêtés lors de l’enregistrement des bagages… Un vrai casse-tête ! On repense dans chaque geste aux amis, aux amis nouveaux sur le chemin, à toutes ces personnes qui nous bordent le soir quand on se retrouve seuls dans un lit anonyme entre deux villes, on repense à l’ami Pierre toujours présent, si tellement fidèle et qui nous pousse à continuer de chercher la lumière dans chaque mot chaque note du couple sur scène et en dehors; on repense à deux cents mille à l’heure comme le chante Ferland sur la route 11,  démaquillés, on repense à mille choses, on soulève un pantalon acheté à telle place et là direct la rêverie se met en place, un cadeau que nous a offert telle personne et hop, c’est parti , on s’évade jusqu’à ce que l’un ou l’autre nous rappelle à l’action posée à la base, nous préparer au retour, la vie va… Ce sera un départ difficile, l’envie de rentrer n’y est pas vraiment, c’est sûr qu’une fois à bon port ça ira, mais là présentement, il y a blues. La mélodie est bas de caisse, un dernier rendez-vous avec Anthony qui souhaite nous présenter un de ses collaborateurs et ami, au « Café crème » sur Victoria et c’en sera fait de notre séjour Québécois. Ce sera un très bon temps professionnel et humain, les choses se disent en toute simplicité, pas de temps à perdre le Monsieur d’en face et tout en même temps beaucoup d’humour et de générosité, on adore en fait, on sent là une belle énergie qui booste ! Anthony est vraiment un gars très ouvert et à l’écoute, on sent qu’il a aimé l’intimité d’ALCAZ et ça nous touche, c’est notre désir profond pour tout dire, on souhaite que chacun se retrouve là , au bord de son intime et se laisse souffler le cœur et la lune.

Quelle belle journée que cette dernière en terre rouge-rouille. Je repense à la route sous les pluies infernales, qui mène au Lac St Jean, ces roches monumentales éventrées, malheureuses en bordure de travaux, et la force de la nature tout autour, ces verts puissants; ces verticalités trempées, ces mélanges d’éléments… le silence cassé des essuie-glaces… revenir revenir revenir au présent, on doit quitter la maison de Nicole, notre Nicole préférée, fantastique si pleine et de vie, qui nous a encore donné là une belle leçon et tellement de cet amour inconditionnel malgré son job sur le film de son chum. Elle a monté cette tournée à bout de bras et d’espérances, d’une foi étonnante et nous la remercions chaque instant, chaque jour qui passe tellement nous sommes fiers et heureux d’être en si belle amitié réelle. Elle a demandé à l’ami José pour son véhicule familial afin de nous emmener à l’aéroport avec tous les bagages, on y va, on bise la miss Alice qu’on adore et c’est parti, lâcher le reste ; foncer vers le grand air, avec l’assurance que nous sommes de retour en octobre, la police sur les lieux nous empêche de pleurer dans les bras de Nicole, pas de mots forts, juste éviter la contravention et elle redémarre, tout va vite et si lentement à la fois, nous avons le temps, plus de quatre heures devant nous, on laisse les valises sur la Cie et on glande pour de vrai, et ce sera le passage des douanes, l’autre bord, Free, no mans’ land, le rien de rien.

Nous irons grignoter un dernier plat en vitrine avec vue sur les avions qui décollent et on aura un méchant blues, un rythme brisé nous assomme d’un coup. Monter dans l’avion, Vyvian sortira les mots fléchés, ne plus penser ; laisser vivre, je ressens un force incroyable et une gratitude immense au travers mon émotion.

Aujourd’hui plein de cette force naturelle, cette énergie, je vais-je viens, je vole et ma vie est intense, légère à la fois, je touche mon rêve de si près, je repense aux publics aussi, ces gens heureux qui viennent nous dire, nous parler d’eux, nous remercier de ce que nos voix, nos histoires les ont fait voyager pareil…

Quel bonheur de sentir tout cela, enfin toucher du doigt cette raison d’être. Va savoir pourquoi d’un coup je repense à une personne de la profession bookeur, tourneur fraiseur, qui un jour me disait à la sortie d’un de nos concerts : oui Jean-Yves c’est bien votre concert mais…  « le sens » ? Ben tiens oui c’est vrai quoi le sens !!! Bref, je lâche de suite car si non je rentre dans un état qui me fatigue. Bien de ces gens me fatiguent d’ailleurs avec leur intelligence. Le public a besoin de fraîcheur, d’amour libre, de rêves, de mots en forme d’espoir, de ce Cœur qui se bat pour la démesure, pour la paix pour la joie profonde d’être ensemble un bon temps de Nous tous, un vrai partage sans prétention. Qu’importent les échafaudages; il veut du vrai, du simplement vrai. Le reste ne le regarde pas.

Bref de brève, l’arrivée sur Marseille, le soleil, les odeurs de pinèdes direct dans les narines, hummmmmmmm c’est sublime cet instant là, voir Vyvian retrouver sa Provence, ouvrir grand les fenêtres de la voiture, respirer le soleil, notre bel ami et contrebassiste Gérard Roustan au volant de notre voiture, venu de loin pour nous cueillir. Quel émerveillement soudain !