Samedi dernier soir sur la ville

Ca fait toujours un petit quelque chose, le dernier jour, le dernier soir … quitter une ville … Québec ce n’ est pas rien, j’y ai enregistré deux albums dans les années 80 avec des musiciens et des techniciens superbes. C’ était completement différent d’ aujourd’ hui; nous avions une confiance pleine, complete, de nos directeurs de maisons de disques, les budgets étaient conséquents, l’ artiste pouvait argumenter et se retrouver entendu, pour ensuite faire le meilleur. C’ est la sensation premiere qui me vient. Aujourd’ hui il nous faut aller vite, trouver soi-meme l’ argent nécessaire, seul l’ artiste prend un risque et donc il n’ y a aucune concertation ni échange de points de vue, possible. Rien. L’ esprit de l’ art est donc je dirais, résumé soit a la confiance de l’ artiste en lui-meme soit a ses doutes et la, tout est dangereux pour lui. Aucune ouverture, on est responsable et productif certes mais l’ ame est au second plan. C’ est ce qui donne ce que nous entendons aujourd’ hui: une chanson sans risque une musique formatée pour plaire, et nous-memes allons dans ce sens. J’ ai vu Vyvian, Hanny et moi discuter de longs moments sur cette pensée de l’ accessible ou pas lors de nos enregistrements a Philadelphie. Trancher, je m’ amuse et m’ exprime en tant qu’ artiste avec son message et ses folies, ou je fais en sorte que ce soit passable en radio ? Qu’ est-ce qui est passable ? qu’ est-ce qui est radio ? C’ est certain qu’ entre la musique que je créais dans les 80′ et ce que j’ écris aujourd’ hui, pour ne parler que de moi (Vyvian n’ étant pas la pour l’ instant) et bien  il y a une énorme différence. Je pense obligatoirement a ce que le nouvel album soit écoutable par le plus grand nombre. Nous avons cette pression due a cet esprit lache et abandonneur des instances vis a vis de la culture. Et meme si cela ne correspond pas a quelque chose de concret, la question se pose, elle ne se posait pas avant, c’ était a d’autres de se la poser. Quand on nous signait en contrat, le directeur savait ce qu’ il faisait, il engageait l’ artiste pour ce qu’ il était et non pour ce qu’ il allait rapporter. Ce n’ était pas «  Combien tu vas ? «  mais comment vas-tu ? on prenait soin. Nous sommes une marchandise quoi qu’ on en dise;et ce, des qu’ on vend une tomate ou un CD. Tout cela pour dire combien Québec est marqué pour moi de ces souvenirs de studio et de folie de travail immense, de réalisations folles en tous genres. Des morceaux de 12 minutes, de la musique engagée, des expressions non retenues, du caractere sans retour. UNe réelle complicité entre les preneurs de sons et les musiciens, les directeurs de studio, chacun faisait tout son possible pour, ensemble réussir une oeuvre, car il s’ agissait bien d’ une oeuvre oui et non pas d’ un produit. Juste nous donnions sans peur ni reproche !!! nous étions; et de temps en temps, on voyait le jour, on sortait pour aller visiter une érabliere a quelques km du studio. La secrétaire nous organisait une sortie par ci par la pour nous forcer a quitter le studio ! On rentrait sur la France, completement fatigués de tous ces dons, de toutes ces éjaculations musicales. Aujourd’ hui le regard a changé, le dedans aussi, les expériences, les manipulations, les responsabilités font que je me sens plus fragile et plus calme dans mon tout. Mon etre est moins obsessionnel sur l’ art également. Je sais aussi que la vie est Présente et large, que l’ univers a des choses a m’ offrir de l’ ordre du merveilleux. Tout n’ est pas dans ma tete en fait, c’ est cette croyance la qui a bougé. Je sais que le vent me souffle une bonne part de ma créativité, ce n’ est pas moi seulement, je reste a l’ écoute, je pratique plus l’ écoute que je ne joue. L’ autre aussi va me guider, la jolie chance que j’ ai c’ est aussi de partager avec Vyvian ce terrain d’ inattendus, de je et de nous. Un beau jeu. Cette jolie femme m’ enseigne la patience, la sérénité et ce qu’ elle peut m’ ouvrir de sens précieux. Elle me joue les directeur artistique !!! je rigole mais quelque part, si nous n’ étions pas ensemble avec qui parlerait-on, elle ou moi, de ce que nous avons en nous de projet ? Il n’ y a plus personne, juste des gens a l’ autre bout d’ une demande de subvention, a l’ autre bout d’ un autre monde de comptable … personne pour échanger, incroyable on en est la au jour d’ aujourd’ hui. Débrouille toi, sois rapide et efficace ! Ca restreint pas mal je trouve. D’ ailleurs c’ est ce que l’ on ressent quand on écoute bien les chanteurs actuels. Vite fait bien fait ! et encore … ou alors les chanteurs a textes , alors la, superbes verbes, d’ une technicité haute voltige et remarquable, parfois ca sent les ateliers d’ écriture meme  mais bon ,  mais alors d’ une pauvreté musicale et je comprends, je comprends, personne est la pour les aider, pour les initier au son, a l’ arrangement, a ce qu’ un morceau peut etre riche d’ entre les mots, d’ une voix posée pas n’ importe comment… hélas, chacun est dans sa bulle et s’ en sort au mieux avec ce qu’ il a … pas de jugements je constate et je relate ! D’ ailleurs, qu’ est-ce que j’ ai ce matin moi ? J’ efface tout et je recommence ? non, je suis ainsi, c’ est ainsi, mes sens du jour, ma facon d’ etre et respirer, j’ écris sans réfléchir. Pas envie de faire semblant, laisser l’ élégance de ma spontanéité faire son bout de chemin. J’ aime trop notre métier les amis les artistes, les techniciens. Ils me comprendront je sais. Demain nous serons sur Montréal pour un dernier de dernier concert … j’ ai le blues oui, heureux de rentrer, de voir nos enfants, nos amis oui, plein de cette joie profonde, mais aujourd’ hui je regarde aussi le travail accompli et j’ ai le blues. On revient chez nous mais sans l’ album qui ne sera pas fini de mixer, ca aussi c’ est tres tres dur. meme si je me dis de faire confiance, Roger s’ en occupe et c’ est ok, en dedans ca bouillonne et j’ ai peur. Comment allons-nous organiser les dernieres écoutes par internet et est-ce qu’ on ne va pas se tromper d’ oreilles ? Tout cela me trouble et je suis inquiet. Pas encore zen le garcon !!! Vyvian, elle, est beaucoup plus cool, et s’en remet au vent, elle porte en elle la vie au sens coule du ruisseau, elle descend la riviere et ne s’ agrippe pas aux racines, je suis fier d’ elle et me demande comment elle peut faire ? Elle n’a jamais non plus , eu a refaire un album, ce que je porte en mémoire également. J’ ai cette peur a nos frais qui plus est !!! bon, le vent souffle a la fenetre d’ ou il fait bon et c’ est le signe de lacher les peurs et d’ aller dans cette journée tout plein de calme et de joie d’ etre comme la jolie chance qu’ on a dans ce que nous vivons de voyages et de rencontres. Ce soir j’ espere que nous aurons plus de public qu’ hier. Les 400 emes de Québec ont cela quelles offrent des spectacles gratuits tous les jours tandis que le notre est payant …va savoir …on est des passionnés, nés de la passion, on hurle de joie, on pleure, on vit et cet amour la, on vous le partage parce que nous vivons ensemble cette aventure. Vous etes nombreux a nous donner de vous, de votre fidelité, de vos élans de soutien et nous sommes portés par vous. Pas besoin de s’ appeler Barbara, Hendrix ou Léo, on est, debout, et on marche

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